Dans l’Exposé de la philosophie rationnelle pure professé par Schelling dans les années 1847-52, Malebranche est présenté comme un jalon majeur de l’histoire des conquêtes remportées graduellement par la raison moderne : pour avoir eu l’audace de désigner Dieu même par le seul mot de « l’Être », il aurait su donner son vrai nom au concept suprême de la raison. Schelling propose toutefois une critique perspicace de son ontologie, critique qu’on a voulu mettre ici à l’épreuve des textes de Malebranche. Elle engage en effet des questions décisives pour la compréhension de la métaphysique du philosophe français : 1) Que faut-il que soit Dieu pour que l’idée de « l’être » suffise à le penser ? 2) Si cette idée est celle de l’être « en général », l’ontologie de Malebranche ne prend-elle pas le risque de parler abstraitement de la Divinité, en outre d’être univoque ? 3) Comment Dieu peut-il bien être incompréhensible s’il est seulement celui qui comprend en lui-même tous les intelligibles ? 4) En quel sens sa substance est-elle participable par les êtres qu’il crée, et d’où lui vient au juste cette possibilité qu’elle a depuis toujours d’être participée ?
Alexandra Roux est maître de conférences à l’Université de Poitiers. Elle a notamment publié un commentaire du livre II de la Recherche de la vérité de Malebranche (De l’imagination, Ellipses, 2006), un ouvrage collectif sur Schelling en 1809. La liberté pour le bien et pour le mal (Vrin, 2010), ainsi qu’une traduction commentée de La philosophie dans son passage à la non-philosophie de C. A. Eschenmayer (Vrin, 2005).